Pourquoi les enlèvements de fourrière sont illégaux ?

Depuis quelques temps les médias tournent autour d’un scandale national sans toutefois saisir la véritable ampleur de l’illégalité des enlèvements de fourrière.

En effet, cette activité de mise en fourrière de véhicule par l’emploi de 4×4 tels que Land Cruiser ou Defender est purement interdite sans que cela ne pose de problèmes aux forces de l’Ordre ni aux Préfectures. Il n’existe en effet aucun texte qui légifère cette activité ni les caractéristiques techniques des véhicules utilisés.

 

Fourrière Paris par Maitre Dufour

Dès lors, il faut transposer le droit commun pour tenter de répondre à la question « peut-on utiliser des petits 4×4 pour transporter des véhicules privés de plusieurs tonnes » ?

Trois possibilités juridiques sont envisageables :

  1. Soit la législation sur les remorques est applicable et dans ce cas les chauffeurs doivent disposer du permis BE.
  2. Soit la législation sur les véhicules de dépannage issue de l’arrêté du 30 septembre 1975 est applicable et dans ce cas, aucun véhicule de plus de 1800kgs de PTAC ne peut être emmené.
  3. Soit aucune des deux n’est applicable et dans ce cas, 100% des enlèvements par 4×4 sont illégaux.

La préfecture de Police de PARIS a indiqué récemment dans la presse que le fait de remorquer un véhicule à moteur par le biais d’un autre véhicule à moteur serait exclusif de l’application de la législation sur les catégories de permis de conduire. Elle sous-entend que le fait que le véhicule tracté soit automoteur (avec un moteur sous le capot) exclurait la nécessité d’un permis BE ou B96.
Elle considère dès lors qu’un grutier de fourrière n’a pas besoin d’un permis spécial pour conduire un véhicule dépassant allègrement les 3,5 tonnes en ordre de marche. En adoptant cette positon, la Préfecture se complique la tache pour justifier cette activité puisque dans ces conditions, le poids total roulant (PTRA) de l’ensemble routier n’entre plus en ligne de compte, puisque seul le poids total autorisé en charge (PTAC) définit dans ce cas la charge tractable du véhicule de fourrière.

Pour faire simple, si un véhicule de fourrière possède un PTRA de 7 tonnes, cela veut donc dire qu’avec un PTAC de 3,5 tonnes, il peut tracter un autre véhicule de maxi 3,5 tonnes.
Le seul « hic », c’est que d’une part le chauffeur doit posséder un permis EB et d’autre part, il n’existe aucune dérogation sur le fait qu’une remorque de plus de 750kgs de PTAC doit être auto freinée.

Cette thèse permet d’échapper à la législation sur les catégories de permis de conduire. Nous savons en effet pertinemment que le recrutement des grutiers serait compliqué par la nécessité qu’ils soient détenteurs d’un permis BE. Surtout et c’est à mon sens l’élément important, la thèse préfectorale permet d’échapper à l’application de l’article R325-1 du Code de la route qui impose que le véhicule remorqué de plus de 750kg de PTAC dispose de son propre système de freinage ce qui n’est bien évidemment pas le cas de ces petits 4×4. Il suffit d’observer les véhicules de fourrière en mission pour constater qu’ils sont quasiment toujours en surcharge.

Si le véhicule emmené n’est pas une remorque, alors quel est son statut juridique? La législation sur les véhicules spéciaux de dépannage ou d’évacuation des véhicules accidentés peut-elle s’appliquer ?

Les véhicules de fourrière font nécessairement l’objet d’une réception à titre isolée auprès de la DREAL afin d’être homologués comme véhicules de dépannage. Le seul « hic » c’est que la législation qui permet aux fouriéristes d’homologuer leurs engins ne leur est pas applicable. En effet, l’arrêté du 30 septembre 1975 sur les véhicules spéciaux de dépannage ou d’évacuation des véhicules accidentés ne vise en rien l’activité des fourrières. Les véhicules emmenés ne sont en effet ni en panne ni accidenté. Ces sociétés détournent en conséquence à leur profit un texte réglementaire, en faisant croire aux DREAL que leur activité est « le dépannage », alors qu’il n’en est rien.

Quoiqu’il en soit, ces véhicules 4×4 sont donc soumis aux obligations de poids en charge fixées par l’arrêté du 30 septembre 1975 et ne peuvent tracter n’importe quel véhicule.
De plus, ils ne peuvent rouler plus de 500 mètres, notamment parce que le véhicule tracté n’a pas de système de freinage actif.

 

Dès lors, si l’on considère que les véhicules de fourrière sont des véhicules de dépannage, ce que confirme apparemment l’apposition du panneau orange avec feux, à l’arrière des véhicules remorqués, ils ne peuvent remorquer que des véhicules particuliers de moins de 1800 de PTAC…c’est à dire des petites voitures telles que des Clio (ptac 1650 kg). Au dessus de ce PTAC, leurs véhicules ne sont plus homologués. Ce n’est même pas un problème de permis mais un problème d’homologation. On comprend bien évidemment que le législateur a entendu que le véhicule de dépannage soit adapté au véhicule en panne, notamment pour des raisons de sécurité puisque ce dernier n’est pas auto freiné.
Il n’est en l’état donc pas légal de voir un Audi Q7 pris en remorque par un Land Rover comme nous pouvons le voir à PARIS tous les jours…

En résumé, non seulement le texte qui permet aux sociétés de fourrière d’homologuer leur 4×4 n’est pas applicable à cette activité, mais pire, ces sociétés hors la loi ne respecte même pas ce texte!

Si les véhicules remorqués ne sont pas des remorques et si la législation sur les dépanneuses n’est pas applicable, dans ce cas, c’est le droit commun de la charge des véhicules qui s’applique.
Dans ce cas, le PTAC de 3,5 tonnes du véhicule de fourrière ne peut pas être dépassé.

Pour un PTAC de 3,5 tonnes et un poids à vide de 2,8 tonnes, le calcul est simple, un Land Rover DEFENDEUR ne peut transporter un véhicule de plus de 700 kg de PTAC.

Autant dire pour faire simple que ce type de véhicule ne peut emmener aucun véhicule moderne en fourrière car ils sont trop lourds, où alors des véhicules en carton…

Les enlèvements effectués sont donc tous illégaux car effectués par des véhicules en surcharge. Vous pouvez également lire notre article à ce sujet Contester l’enlèvement de son véhicule.

La responsabilité pénale de hauts fonctionnaires est clairement mise en cause dans ce dossier. De même que celle des gérants de ces sociétés de fourrière, qui ne respectent pas non plus d’ailleurs les plafonds réglementaires de frais de gardiennage journalier…leur sentiment d’impunité est sans limite.

Des infractions graves notamment celle de mise en danger de la vie d’autrui sont tous les jours commises pour permettre à des sociétés privées de faire des bénéfices sur le dos des automobilistes lésés.

Le scandale des enlèvements illégaux des fourrières

Les véhicules de la fourrière arpentent nuit et jour les boulevards des grandes agglomérations. La consigne est donnée aux chauffeurs : sus à l’automobiliste mal stationné ! Un mal nécessaire ? Sûrement. Des pratiques toujours licites ? Rien n’est moins sûr.

Rapides et maniables, ce sont principalement des petits 4×4 qui veillent au grain dans les centres urbains. Equipés d’un panier de levage articulé, ils soulèvent avec une déconcertante facilité n’importe quel véhicule mal garé. Grâce à leur gabarit compact, ils évoluent au mieux dans la circulation et, détail d’importance, s’engouffrent sans peine dans les parkings étroits ou souterrains des préfourrières. Rien ne vaut l’efficacité de telles “abeilles”.

Des privés au service de l’Etat

Les préfets confient ce marché à des sociétés privées, sur le principe de la délégation de service public. Un très bon moyen pour l’Etat de se décharger des problèmes de fonctionnement du système, et un très très bon moyen d’aiguiser la hargne du fourriériste, qui se rémunère sur le nombre de véhicules enlevés. Rien de répréhensible a priori sachant que sont ici sanctionnées des infractions au code de la route. Pour autant est-ce une raison suffisante pour confondre juge de paix et chasseur de primes ? Car l’affaire prend des tours et des détours forts différents selon que vous habitez Marseille, Lyon ou Champigny- sur-Marne (94). Bon an mal an, on dénombre environ 700 mises en fourrière par jour à Paris (2,2 millions d’habitants) contre 70 seulement pour le département du Val-de-Marne (1,3 million d’habitants). Notez par ailleurs que le montant à payer pour récupérer son auto s’avère plus élevé dans les villes de plus de 400 000 habitants. D’autre part, si l’on admet que code de la route et code pénal oeuvrent pour le bien de tous, les fourrières auraient elles-mêmes à craindre le glaive de la justice…

On s’arrange avec les règles ?

Avec cette enquête vous allez découvrir les failles juridiques d’un système qui tourne à plein régime. A Paris, les PV d’enlèvements tombent parfois au rythme d’une voiture enlevée toutes les deux minutes. Or, la simple lecture des textes de loi éclaire sur l’illégalité d’une bonne part de ces mises en fourrière quotidiennes. Pourtant, en haut lieu, on évite d’y regarder de trop près, alors même que forces de l’ordre, dépanneurs, gardiens de fourrière savent tous pertinemment que les règles sont bafouées. Et pour cause, tous connaissent les limites techniques et légales d’une si secrète “carte blanche”. Explications.

Une loi très évasive

Dès que l’on se penche sur les textes réglementaires, divers problèmes surgissent. Flou juridique, contradictions, contraintes opérationnelles… Dans certains cas, la procédure d’enlèvement devient aussitôt particulièrement contestable.

1. D’office, un métier au cadre flou
Toute opération de remorquage est régie par l’arrêté du 30 septembre 1975. Ce texte, pas tout jeune, fixe avant tout le cadre réglementaire de la profession de dépanneur. Il y est fait état du mode opératoire d’un dépannage dit “relatif à l’évacuation des véhicules en panne ou accidentés”. Et la fourrière, on en parle où ? Le problème : cet arrêté de 1975 ne reconnaît en fait absolument pas l’évacuation d’un véhicule mal garé ! Une mise en fourrière n’a en effet rien à voir avec une panne ou un accident de la route. Au passage, si un incident majeur survenait lors de ces opérations d’enlèvement, n’importe quelle juridiction ne manquerait pas de souligner cette étrange attribution de compétences… Mais, au fil du temps, l’usage a voulu que soit acceptée cette dérive juridique. Les professions de dépanneur et de fourriériste ont été considérées comme ne faisant qu’une. Dès lors, c’est bien l’arrêté de 1975 qu’il faut appliquer. Appliquons-le et passons au point n° 2.

2. Des restrictions catégorielles
L’article 7 de ce fameux arrêté de 1975 précise que “tout véhicule de remorquage […] doit être pourvu d’une autorisation du préfet de mise en circulation délivrée sous la forme d’une carte blanche barrée de bleu” (voir ci-dessous). Cet indispensable sésame s’obtient après en avoir fait la demande auprès des Dreal * (Driee ** en Ile-de-France). Cette carte fait état de diverses mentions administratives (propriétaire, immatriculation, poids…) et permet de répertorier les dépanneuses en quatre catégories : A, B, C, E. Chaque catégorie s’y voit signifier ses limites (poids maxi à tracter, rayon d’action) en termes de remorquage. En cas de souci de conformité, les services gouvernementaux doivent, en principe, s’opposer à la délivrance de la carte blanche. Dans les faits, et puisque leurs responsables sont nécessairement au courant des choses, on autorise ouvertement les dirigeants de fourrière à utiliser des véhicules non adaptés à la situation. La preuve avec les points 3 et 4.

3. Pas plus de 1 800 kg en remorque
Les “dépanneuses” de la fourrière qui nous préoccupent aujourd’hui relèvent de la catégorie A : cellequi distingue ces agiles petits 4×4 des plus grands camions plateaux (catégorie B ou C). Le Toyota Land Cruiser ou le Land Rover Defender visibles sur les photos ci-contre sont deux modèles représentatifs de cette catégorie, et les plus utilisés. Le problème : une catégorie A n’a pas le droit de remorquer un véhicule d’un poids total autorisé en charge (PTAC) supérieur à 1 800 kg ! L’article 6 de l’arrêté de 1975 se révèle très explicite sur les possibilités des catégories A : “véhicule permettant de remorquer un autre véhicule d’un poids total autorisé en charge inférieur ou égal à 1 800 kg”. Léger souci, la plupart des autos actuelles dépassent allègrement ce PTAC. Cela freine-t-il les fourrières ? Voyez ci-contre…
Autre injonction de la loi : interdiction de dépasser 60 km/h durant le remorquage. Course au rendement oblige, nous avons constaté que cette limite n’était guère respectée et ne l’avons jamais vue sanctionnée.

4. Parfois limité à 500 m et 25 km/h
En fonction de sa date de mise en circulation et de son équipement, une petite dépanneuse de catégorie A peut aussi intégrer la catégorie E et devient alors A-E. Cela concerne “les véhicules spécialisés dans les opérations de dégagement rapide des chaussées” qui leur impose d’être équipés “d’un ou plusieurs dispositifs [engin de levage, chariot, dolly]”. Les dolly en question sont justement les chariots à roulettes dont se servent les fourriéristes pour soulever, déplacer et tracter les autos en infraction. Le problème : la catégorie E n’est pas autorisée à remorquer un véhicule avec roulettes sur plus de 500 m ! Elle n’est censée que le rapprocher d’un camion plateau, qui trop gros, n’aura pu intervenir, dans une rue étroite par exemple.
Et 500 m c’est peu… Durant notre enquête, nous avons maintes fois suivi de tels équipages sur plusieurs kilomètres ! De plus, en configuration E, la loi impose un maxi de 25 km/h. Là encore, on roule bien au-dessus…

5. Des interprétations “pratiques
Interrogés par nos soins, les plus avertis du monde du dépannage s’offusquent parfois de toutes ces contradictions juridiques. Pour se dire “en règle”, certains se retranchent derrière les possibilités de conduite offertes avec un permis BE (remorque de plus de 750 kg) ou C (poids lourds) et les règles communes du remorquage. C’est oublier un peu vite que, dans ce cas, la prétendue remorque (en l’occurrence une voiture mal garée) devrait posséder un système de freinage indépendant. Condition à laquelle elle ne peut aucunement répondre. D’autres, empêtrés dans les textes, concluent (à tort) qu’une dépanneuse de fourrière tractant un véhicule est aussitôt à considérer comme un ensemble à trois essieux, et donc légal… Un micmac dû à l’absence de textes officiels clairs qui laisse le champ libre à toutes les interprétations.

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Auto Plus N° 1357 – 05.09.2014
Par Eric Boulière

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