La jurisprudence administrative du permis à points
Le Conseil d’Etat n’avait surement pas prévu que l’Etat généraliserait un jour la mise en place des procès-verbaux de contravention électroniques. Lui qui s’est employé depuis des mois à trouver dans un document interne au Ministre de l’Intérieur, à savoir le relevé d’information intégral du permis d’un automobiliste, une source de données d’une valeur juridique probante, risque de déchanter rapidement avec la mise en place de ce nouveau système.
PROBLÉMATIQUE POUR LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES :
Trouver des solutions pour se débarrasser du contentieux du permis à points qui monopolise des chambres entières et ne cesse d’augmenter.
PROBLÉMATIQUE POUR LE CONSEIL D’ETAT :
Rendre des arrêts parfois contradictoires dans cette matière en violant parfois les règles fondamentales du procès-équitable, mais sans toutefois trop en faire pour ne pas que les décisions prises puissent être appliquées dans d’autres domaines du droit administratif.
PROBLÉMATIQUE POUR LE FICHIER NATIONAL DES PERMIS DE CONDUIRE :
Continuer à produire de soi-disant preuves devant les juridictions administratives sans que quiconque ne s’intéresse à la légalité de cette pratique et tout en évitant que les Avocats Automobiles obtiennent trop vite des décisions de l’ordre judiciaire constatant l’absence totale de valeur du relevé d’information intégral des permis (ce qui est déjà le cas dans un dossier que j’ai personnellement plaidé CA PARIS 25 fev 2011. Meunier c/Ministére Public).
LA MISE EN PLACE DES SOLUTIONS TROUVÉES :
Arrêt MORALI du 24 juillet 2009, le Conseil d’Etat décide pour la première fois que le relevé d’information intégral suffit à établir la réalité d’une infraction sauf contestation dans les 45 jours de l’avis de contravention ou réclamation ayant entrainé l’annulation du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée. ACTE 1: ce document interne à l’administration et souvent truffé d’erreurs peut servir maintenant aux magistrats pour établir la preuve du paiement de l’amende!
Avis SELLEM du Conseil d’Etat du 20 novembre 2009, pour les contraventions constatées sans interception du véhicule, lorsqu’il est établi notamment par application de l’arrêt MORALI que l’amende a été payée ou l’amende forfaitaire majorée non contestée, le relevé d’information intégral suffit à établir la délivrance des informations légales des articles L223-1 et suivants du Code de la Route. ACTE 2: Cadeau pour les radars automatiques, si l’automobiliste a payé sa contravention, c’est qu’il a nécessairement reçu le PV à son domicile. Les retraits de points deviennent quasiment impossibles à contester…sauf lorsque l’amende est majorée.
Arrêt KOR du 27 janvier 2010, le Conseil d’Etat décide en contradiction avec le rapporteur public que le relevé d’information intégral n’a aucune valeur s’agissant de la caractérisation de la décision de retrait de points qu’il mentionne. Il exige contrairement aux décisions rendues par les Cours Administratives d’Appel que la décision attaquée soit produite en lieu et place du relevé. ACTE 3: Le Conseil d’Etat trouve en la lecture du relevé intégral une source d’information incontestable s’agissant des aspects judiciaires d’une infraction. Pourtant, il ne trouve à ce même document aucune valeur s’agissant de la réalité de la décision de retrait de points prise, alors pourtant que cette décision administratives est suffisamment caractérisée sur ce relevé. En clair, ce document administratif n’a aucune valeur pour les mentions administratives qu’il comporte mais il en retrouve une pour les mentions judiciaires, qui échappent pourtant totalement au contrôle du fichier national du permis de conduire. Qui a parlé de parti pris dans le traitement de ce contentieux?!
L’AVENIR DU CONTENTIEUX DU PERMIS A POINTS ET LES PVE :
Les juridictions administratives n’ont pas anticipé l’arrivée des PVE à travers leurs décisions. En effet, trouver dans le relevé d’information intégral de l’automobiliste le « Graal » pour mettre un terme à ce contentieux était une erreur. Les PVE seront rédigés pour la plupart sans interpellation de l’automobiliste et envoyés dans tous les cas à l’adresse de la carte grise du véhicule alors que le PV était remis en main propre avant. Cela signifie en pratique que de nombreux PVE se perdront dans la nature, comme des amendes forfaitaires majorées d’ailleurs, en raison d’adresses inexactes sur les cartes grises ou de non transmission du PV par l’employeur en cas de véhicule de fonction.
De plus en plus de juridictions judiciaires constatent les erreurs mentionnées sur ces relevés et annulent les infractions.
Grâce au Conseil d’Etat, nous pouvons d’ailleurs contester les contraventions mentionnées sur le relevé sans produire l’original du PV, ce qui pas n’était pas possible auparavant. Il suffit pour cela de produire le relevé à l’appui de la requête en contestation…
Le Conseil d’Etat et les juridictions administratives croyaient trouver dans le relevé d’information intégral un moyen d’enrayer le contentieux du permis à points mais en réalité, grâce aux décisions rendues par les tribunaux judiciaires en application du Code de Procédure pénale et non plus du Code de Justice Administrative, le contentieux ne va pas baisser et il va être encore plus aisé de démontrer le caractère illicite d’une annulation.
Vivement la généralisation des PVE…une belle avancée en matière de protection juridique.